mardi 31 mars 2015

MARC HAVET, MAGIQUE CHANTEUR, D'UN CABARET MAGIQUE...[par Jann Halexander]

MARC HAVET, MAGIQUE CHANTEUR, D'UN CABARET MAGIQUE...[par Jann Halexander]



Il existe une règle un peu étrange dans le milieu du show-biz assez répandue selon laquelle l'artiste ne parle que de lui, surtout pas des autres, ni en bien, ni en mal. Tout au plus, il peut dire qui il écoutait quand il était petit. J'ai un parcours brouillon dû à mon statut de chanteur indépendant constamment sur le fil du rasoir. L'avantage, c'est que je peux dire et faire ce que je veux également. Comme dire le plus grand respect et la plus grande admiration que je peux éprouver pour un chanteur. Que cela soit réciproque ou pas m'importe peu. Moi je veux vous parler de Marc Havet.

Il est le fou chantant du nouveau siècle. Drôle, survolté, il sait aussi se faire grave. En prise directe avec le monde qui l'entoure, en lutte contre toutes les intolérances, le chanteur Marc Havet est un mélodiste talentueux. La qualité de son vaste répertoire explique sa longévité dans un monde musical qui compte tant d'appelés, si peu d'élus, trop de chanteurs éphémères. Le lien amical (ici, amical n'est pas un vain mot) entre l'artiste et son public est réel, ce public qui connaît les refrains par cœur, les chante : les concerts de Marc Havet sont des véritables fêtes et non des moments figés, solennels. Sieur Havet, symbole de la vitalité de la chanson francophone, dans ce qu'elle a de meilleur. Le chanteur non seulement chante ses œuvres mais aussi celles des autres, Brassens, Trenet (l'autre Fou...), avec générosité.

Certains ont déploré, peut-être à juste titre, qu'il soit si peu présent dans les médias, aussi bien les grands médias que les médias ciblés. Et si finalement, cet artiste, éloigné des vacarmes médiatiques avait aussi échappé aux querelles de chapelles dans un monde musical fait de courants, de clans ? Le public de l'artiste est très mélangé : il compte des amateurs de rock, des amoureux de la chanson rive gauche, des anarchistes, des bourgeoises, des retraités non-conformes, des jeunes à l'allure sage. Ces gens qui se mélangent se rendent régulièrement au Magique, cabaret incontournable de la chanson française, l'un des plus vieux encore en activité, que l'artiste dirige. Le Magique est profondément lié à ma vie d'artiste. Je ne suis pas le seul à le dire, nous sommes quelques uns, aux styles très différents, à avoir été soutenus, encouragés par Marc Havet, certains, comme moi, y retournent de temps à autre en tant que spectateurs ou pour s'y produire, par envie et fidélité, même après avoir joué ailleurs à Paris, en France, à l'étranger, dans des salles plus grandes. Parce que Marc Havet, parce que l'amitié, et finalement parce qu'il y a, on peut le dire dans tout cela, un peu de tendresse, il faut bien l'admettre...

Moi je suis Jann Halexander, ce chanteur 'vaguement noir, vaguement blanc'. Depuis 2003, j'ai mes 'fans', qui me font sentir que j'existe – et c'est beau- tout comme j'ai mes détracteurs (qui me traitent de chanteur pour initiés, d'illustre inconnu, je les embrasse bien fort aussi...). J'aime mélanger l'aigre et le doux, l'humour et le grave et une chanson pour moi, c'est un texte + une musique. J'ai l'oreille musicale ( merci Maman, prof de piano, entre autres). C'est en 2005 que j'ai débuté au Magique avant d'arpenter d'autres scènes à Paris, en province, en Belgique, en Allemagne. Comme d'autres artistes, je reste attaché au Magique.

Je dois dire qu'au début, je ne voulais pas faire de scène. Je voulais simplement sortir des disques, les uns après les autres, des petites productions. Mais j'ai senti très vite que...je n'allais faire que ça, écrire des chansons, les chanter. Que les publier sur internet, ça n'allait pas suffire, c'est comme si une dynamique s'était enclenchée, on ne maîtrise pas tout. Je ne voyais pas trop ce que je pouvais faire d'autre, ce que je savais faire d'autre. J'ai travaillé d'ailleurs à côté quelques années, il m'a fallu du temps pour me décider à y aller franchement, dans la Chanson, l'Art de façon plus générale.

Quand j'ai commencé, en 2003, il y avait un site, le site du Centre de la Chanson, qui répertoriait tous les lieux chanson française de Paris (et ailleurs aussi). Ayant des proches parisiens, et aussi parce que j'avais tellement entendu dire autour de moi que pour vraiment se faire un nom, même petit, dans le ''show-biz'', il fallait passer par Paris, je me suis dit très bien, je vais chanter à Paris. C'était très dur, au téléphone, j'appelais des lieux, les gens étaient pas vraiment aimables, on me disait d'envoyer un dossier de presse, j'envoyais, pas de réponse ou alors des réponses négatives.

J'ai appelé le Magique, une femme a répondu, rauque, franche, très sympathique, qui m'a dit de passer tel jour, pour une audition. C'était une scène ouverte. J'avais très peu de chansons : L'Ombre Mauve, L'Amant de Maman, Alien Mother. J'y suis allé, avec des amis. Je ne connaissais pas du tout le quatorzième arrondissement, mais j'ai trouvé facilement le lieu, je me suis dit que c'était bon signe. Je suis rentré, Martine, la dame du comptoir, m'a dit bonsoir, j'ai tout de suite reconnu sa voix, je lui ai dit que je l'avais appelé, elle se souvenait, Marc n'était pas encore arrivé, j'ai bu un coca, avec mon livret, pour attendre. Je regardais autour de moi, il y avait des affiches sur les murs, avec des chanteurs que je ne connaissais pas, dont Marc Havet. Il y avait une atmosphère très...anachronique qui me séduisait. Marc Havet est arrivé, il a un côté très direct, il parle très vite, je lui ai dit que je venais pour une scène ouverte, il m' a dit et ben c'est bien, on va voir ça, on est descendu. Je n'étais pas au bout de mes surprises, cet escalier en colimaçon, la toute petite salle, le vieux piano. Mais à aucun moment je ne me suis dit c'est trop petit, je n'ai pas eu de réflexion genre 'faut bien démarrer quelque part'. Cette salle me plaisait vraiment, j'avais envie d'y chanter. Bon, quand même là, je n'en menais pas large, hein. Marc Havet me demande de m'installer au piano. Je tremblais un peu. En fait il m'intimidait, et même encore maintenant, il m'intimide. Ce n'est pas n'importe qui. Attendre l'avis de Marc Havet pour moi dans les années 2000, je peux dire que c'est comme un chanteur débutant qui attend le jugement de Jacques Canetti dans les années 50. Il y a là un homme qui chante, tient un lieu, depuis des années, on comprend tout de suite que les artistes du dimanche, c'est pas trop son style. J'ai chanté. Et après...et bien après je ne me souviens plus vraiment. Inconsciemment, j'ai du mettre ça dans un coin de ma mémoire, j'étais tellement stressé auparavant. Je me souviens simplement que Marc m'a proposé des dates en septembre 2005. Et que pour un début parisien, ça ne s'est pas trop mal passé, on va dire.

Je ne pense pas qu'il réalise à quel point je lui dois beaucoup : j'ai pu me perfectionner au Magique, j'y ai beaucoup chanté. Il a été d'une générosité totale, j'avais la salle à disposition, je pouvais fixer les prix d'entrée que je voulais, je tiens vraiment à rappeler que c'est grâce à lui que j'ai pu envisager de (sur)vivre un peu des chansons. Et j'aime cette salle, j'y retourne volontiers de temps à autre, en tant que spectateur, mais aussi en tant que chanteur. Il y a des gens qui ne comprennent pas. Au début, certains connaisseurs du milieu chanson me disaient que je perdais mon temps au Magique, qu'il y avait des salles bien plus intéressantes, bla bla bla. Je chante depuis 2003, et je peux vous assurer que chaque année, des petits lieux chansons sur Paris ou ailleurs ont mis la clé sous la porte. Le Magique est toujours là aux dernières nouvelles, c'est tant mieux et c'est normal. Si vous décidez en tant qu'artiste, que le sous-sol avec le piano est juste bon à faire un 'petit' concert, comme ça, genre pas trop professionnel, pourquoi pas, mais c'est votre problème. Si vous décidez qu'après tout, vous pouvez exploiter la salle, et donner un concert véritable, mémorable, c'est tout à fait possible. En fait le Magique est aussi ce que les artistes en font. J'ai souvent posé une sorte de nappe rouge de velours rouge sur le piano, des objets décoratifs ici et là, histoire d'en faire mon antre le temps d'un concert. Une petite mise en scène, quoi. Et ça passe très bien. J'ai chanté dans pas mal de salles petites et moyennes, en France, ailleurs, des théâtres, des villas, des cabarets, des scènes en plein air, le Magique reste l'un de mes lieux favoris, je serai très triste parce que ce lieu aura une fin, je suppose, comme tout d'ailleurs. Ce jour-là, je serai vraiment très très triste.

J'adore les chansons de Marc Havet. J'ai repris C'est triste, avec un clip aussi. Cette chanson je l'ai intégré dans mon répertoire, elle passe très bien. Ce n'est pas facile de chanter la mort. Mais il y a pleins d'autres chansons que je me chantonne à moi-même : les poupées gonflables, valse manège, la terre est ronde, le roi Ubu, le cœur d'un malade, c'est très bien écrit, mené, chanté sur des musiques excellentes, c'est important ça les musiques, en chanson. Marc Havet est un homme qui chante, il n' a pas peur de chanter, il ne chantonne pas, il ne parlote pas, il ne murmure pas, il y a va franchement, il a du coffre, pourquoi se priver ?




Je ne pense pas qu'il y a une famille estampillée 'artistes du Magique'. Pas même un groupe. J'y ai vu, et revu, pêle-mêle Nicolas Duclos, Vincent Ahn, Alissa Wenz, Pascale Locquin, et tant d'autres...

Encore une fois, c'est vraiment important de le rappeler, la salle de concert du Magique, elle est ce que nous les artistes, en faisons, elle à nous, c'est... chez nous. Il y a là un fort potentiel, qu'il ne faut pas hésiter à exploiter. Enfin, j'aime parler de tout, de rien au bar, avec Martine, en buvant du coca, du jus d'abricot. Marc, Martine, le Magique, c'est vraiment mon monde, je m'y sens bien. Oui, vraiment, le jour où le Magique cessera d'exister, ce sera un jour très dur pour moi. Allez, n'y pensons pas !


Jann Halexander














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